L’EPS a été mise sur le devant de la scène après les Jeux Olympiques de Tokyo. En effet, un tweet du Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a provoqué de nombreux débats et échanges dans le monde de l’EPS et dans le monde du sport. Suite aux très bons résultats des sports collectifs aux JO, Jean-Michel BLANQUER saluait le travail des enseignants d’EPS et la bonne collaboration avec les fédérations. La confusion entre l’EPS et le sport continue donc à être présente dans la plupart des esprits et agace de plus en plus de nombreux enseignants d’EPS.
Durant cette période encore mouvementée pour notre discipline, j’ai souhaité avoir le sentiment, la vision de Michel PRADET avec sa double casquette de professeur agrégé d’EPS honoraire et ancien international d’athlétisme sur sa vision actuelle de l’EPS.
Un grand merci à Michel d’avoir accepté cette interview et d’avoir partagé, en toute franchise, sa vision personnelle.
Comme d’habitude, 3 possibilités pour suivre cette interview: la vidéo YouTube (clique sur l’image juste en dessous), la bande son (clique sur le bouton Podcast de l’interview) ou sous forme d’article.
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L’EPS actuelle vue par Michel PRADET, professeur agrégé d’EPS honoraire et ancien international d’athlétisme
Régis GALEK : Bonjour à toutes et à tous.
J’accueille aujourd’hui Michel PRADET, professeur agrégé d’EPS honoraire, ancien international d’athlétisme pour l’interroger sur sa vision actuelle de l’EPS. Dans cette interview, nous n’allons pas trop détailler ton riche parcours professionnel Michel car nous l’avons déjà fait dans une précédente interview dans laquelle tu partageais tes 5 astuces pour transformer les élèves durant une leçon d’EPS. Voici le lien de cette interview pour les personnes intéressées qui veulent avoir plus d’informations sur ton parcours professionnel : https://www.epsregal.fr/eps-5-astuces-michel-pradet/
J’ai une première question Michel, assez générale. Avec ta double casquette à la fois en milieu fédéral, tu as été responsable de la préparation physique à la Fédération Française de Golf notamment et aussi cette casquette milieu de l’EPS que tu connais très bien dans lequel tu es intervenu de nombreuses années, quelle est ta vision actuelle de l’EPS à l’école ? C’est une question assez large, est-ce que tu peux nous donner ton avis sur cette question ?
Michel PRADET et sa vision actuelle de l’EPS à l’école

Michel PRADET : C’est une question assez large effectivement, sur laquelle je vais être très franc. Et sur laquelle j’ai également une vision assez négative à l’heure actuelle. Certainement un peu lié à un esprit passéiste ! Mais je pense que l’EPS à l’heure actuelle vit des moments difficiles. Et qui peuvent conduire, s’il n’y a pas une vigilance importante, quelque part à sa disparition. Je suis assez pessimiste par rapport à ça pour l’instant.
Une formation universitaire trop intellectualisée?
Je pense que l’entrée à l’université nous a un petit peu incité à donner de plus en plus une formation intellectualisée à l’excès (non pas que je sois contre les connaissances scientifiques, loin de là) en perdant peu à peu et en rognant sur la réalité des pratiques. Puisque j’ai été prof en UFR, je peux aussi faire mon mea culpa c’est-à-dire qu’on est en train de sortir des collègues qui sont bourrés de connaissances théoriques mais qui connaissent très peu les outils voire les élèves. Ce n’est pas de leur faute mais bon c’est vrai que ce sont les effets pervers du côté universitaire.
R.G : Avec des difficultés à mettre en place des choses concrètes et pratiques sur le terrain…
M.P : Oui, on finit par faire sortir des étudiants qui n’ont quasiment jamais eu d’élèves. Et donc qui découvrent la profession alors qu’ils viennent d’être titularisés. Je caricature un peu mais c’est vraiment ce que je pense ! Et quelquefois avec des découvertes qui sont cruelles pour eux. Ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas faits pour ça, avec beaucoup de renoncement précoce. Et ça, c’est quelque chose qu’on ne connaissait pas du tout avant. Et surtout un renoncement au cœur du métier qui doit rester la motricité.
Un renoncement au développement des ressources motrices en EPS?

Moi je suis totalement d’accord que l’EPS est une discipline scolaire dont le but est la formation des élèves, du citoyen etc. mais au travers de notre spécificité qui doit être la motricité. Si on n’a pas un focus sur cet élément-là, quelle est notre raison d’être ? C’est par la motricité, par l’amélioration de la motricité et au travers de pratiques motrices que l’on va obtenir des objectifs éducatifs plus larges. Or, il me semble que cet aspect est complètement shunté.
On nous a culpabilisé, on nous a donné une sorte d’impuissance acquise, nous faisant nous-mêmes affirmer qu’on n’avait pas de moyens pour développer les ressources des élèves. Quelques connaissances scientifiques, quelques éléments qui, souvent, sont des expérimentations qui sont faites sur des athlètes de haut niveau. Et après on applique ces méthodes alors que nous, on intervient avec des enfants. On s’inféode à quelques recherches scientifiques qui finissent par nous dire : « Mais non, vous ne pouvez pas développer le VO2 ! ». Oui on ne peut pas développer le VO2 peut-être.
Mais on peut développer l’endurance parce que l’endurance c’est bien plus qu’une simple histoire de physiologie. L’endurance c’est aussi de l’économie énergétique, l’endurance, c’est de la volonté, etc. Il y a tellement de critères sur l’endurance que ce n’est pas parce qu’on ne peut pas développer le VO2 qu’on ne peut pas développer l’endurance. Enfin je donne cet exemple-là parmi tous les exemples mais je veux dire qu’on nous fait croire et on a accepté qu’on ne peut pas développer les ressources des élèves. Or, n’importe quelle qualité physique est portée par plein de ressources différentes. Donc si on ne peut pas sur l’une, on peut sur l’autre…
Consacrer au moins la moitié de la leçon d’EPS au développement de la motricité

R.G : Dans ta précédente interview tu disais qu’effectivement il faudrait plus d’heures en EPS, ça c’est clair. Mais dans les conditions actuelles, finalement, on a un élève qui va faire du club, une séance le mercredi et éventuellement un match le samedi. En EPS, on a pratiquement les mêmes horaires que dans les clubs…
M.P : Complètement. Bien sûr qu’il faut revendiquer plus d’horaires de pratique. Mais il faudrait aussi mieux utiliser les horaires de pratique. Si on passe notre temps à remplir des fiches, à mettre les élèves au sol devant des tableaux avant de les faire bouger, je pense qu’on perd beaucoup de temps. Je ne dis pas qu’il ne faut jamais faire ça mais il faudrait se préoccuper quand même et se persuader qu’on peut développer les ressources! Et s’organiser pour justement avoir la meilleure efficacité dans le développement des ressources.
R.G : Tu disais qu’au moins la moitié de la leçon doit être consacrée à la motricité.
M.P : Oui, un minimum, c’est-à-dire que les gamins se mobilisent au moins pendant la moitié d’une leçon. Et on verra que les effets sont déjà beaucoup plus conséquents. Surtout si l’on s’adresse à des élèves au physique relativement modeste. Plus le niveau est modeste plus c’est facile de les faire progresser.
Des programmes EPS trop difficiles à comprendre?

Je pense qu’on est aussi lié à des textes institutionnels qui sont pléthoriques. Et quelque part j’aurais tendance à dire, même si ça peut paraitre très critique, des textes incompréhensibles pour des néophytes. Moi je me suis replongé dans les textes il n’y a pas longtemps sachant que tu allais m’interviewer (Rires). Mais je me dis qu’un parent d’élève lambda qui les regarde, qui les lit, qui essaie de les comprendre il ne faut pas qu’il ait un QI à 2 chiffres !
Donc quelque part, je pense qu’il faudrait qu’on épure un petit peu ça. Qu’on cible les objectifs qui relèvent vraiment de notre pratique et qu’on se donne tous les moyens pour pouvoir les atteindre ! Bon ça c’est une sorte de critique mais encore une fois on est une profession qui, à mon avis, est complexée et qui veut tellement montrer qu’elle est au même niveau que les autres voire supérieure aux autres qu’on finit par…
R.G : En faire trop ?
M.P : On en fait trop, faisons déjà bien ce qui est de notre ressort. Le prof d’arts plastiques ou le prof de maths n’a pas cette culpabilité et ce complexe. Pour nous, la motricité, c’est noble et il faut essayer de la développer. Moi je pense qu’on s’éloigne aussi un peu trop des motivations premières des élèves c’est-à-dire que les élèves quelque part aiment bouger. Ils ont une sédentarité acquise ça c’est clair mais je veux dire que si on leur propose autre chose alors ils préfèreront bouger en EPS qu’écrire. Ils le font déjà dans les autres disciplines alors ne perdons pas notre temps avec ça !
L’EPS ce n’est pas du sport? Mais c’est quoi l’EPS alors?

J’ai toujours regretté depuis le début de mon activité professionnelle cette définition de la discipline qui ne se construit que par rapport à ce qu’elle n’est pas. Quand on dit à quelqu’un : « C’est quoi l’EPS ? », il nous répond que ce n’est pas du sport. On ne définit pas quelque chose par rapport à ce que ce n’est pas. On définit plutôt quelque chose par rapport à ce que c’est.
Et quand on demande: « Mais pourquoi ce n’est pas du sport ? », on ne donne que des exemples issus de la haute performance. La haute performance, c’est 5 % des pratiquants sportifs d’un pays. Quand je vais voir dans mon petit village du Languedoc les gamins qui jouent au foot avec un enseignant d’EPS d’ailleurs, ils font de l’éducation physique et pas autre chose ! Je ne dis pas que l’éducation physique et le sport sont totalement identiques.
La réalisation elle-même n’est pas l’objectif final mais c’est au travers de réalisations motrices qu’on atteint les objectifs éducatifs.
En résumé, voilà tout ce qui me fait un petit peu douter de l’évolution positive de notre discipline. Quand on regarde un peu ce qu’il se passe, les textes qui apparaissent, les risques dont on entend parler, l’EPS peut disparaître de l’école. Et ce ne serait pas quelque chose d’impossible.
R.G : Du coup, pour toi quelle serait ta définition de l’EPS ? Quand nous avons préparé cette interview, tu m’en as donné une et elle pourrait intéresser les étudiants ou collègues notamment qui passent un concours cette année. Est-ce que tu l’as sous les yeux ? Je l’avais prise en note au moment de la préparation de notre interview.
M.P : Ben écoute dis-la parce que je ne l’ai pas sous les yeux ! Mais bon, ça devrait tourner autour de « c’est au travers du développement de la motricité qu’on va pouvoir… »
R.G : Tu avais dit : « C’est une discipline éducative qui, par l’utilisation adaptée de disciplines sportives, poursuit des objectifs sociaux pour former un citoyen ».
M.P : J’étais bon à ce moment-là ! Rires
R.G : J’avais trouvé aussi, c’est pour ça que je l’avais noté ! Rires
M.P : C’est exactement ça. Pour moi, l’objectif n’est pas directement la réalisation motrice ou la pratique physique. Mais c’est au travers de l’amélioration de celle-ci qu’on va poursuivre les objectifs éducatifs et former un vrai citoyen. Un vrai citoyen, c’est quelqu’un qui s’intègre bien dans la société, qui est capable de gérer sa vie physique et d’agir positivement sur sa santé. Ça ce sont nos objectifs alors pourquoi en rajouter d’autres ?
Le professeur d’EPS: un formateur de futurs champions olympiques?

R.G : Michel, tu connais bien le contexte actuel : on sort des Jeux Olympiques de Tokyo, des Jeux Paralympiques aussi et il y a quelques semaines une phrase du Ministre Jean-Michel BLANQUER a fait beaucoup de bruit. Il a remercié les profs d’EPS pour les bons résultats des sports collectifs notamment aux Jeux Olympiques. S’en est suivie une montée au créneau, on va dire ça comme ça, de certains sportifs médaillés olympiques notamment des basketteurs. Ensuite quelques collègues EPS également, qui ont notamment fait une tribune dans Le Monde pour réaffirmer la spécificité et le rôle de l’EPS (pour lire cet article de Guillaume DIETSCH, Serge DURALI et Loïc LE MEUR, tu peux cliquer ici). J’aurais bien aimé avoir ton avis personnel par rapport à cet événement, avec le recul que tu as sur la discipline.
M.P : Ecoute, j’ai effectivement suivi avec beaucoup d’intérêt et un peu de peine aussi toute cette polémique. Je ne peux pas ne pas comprendre les champions sportifs qui ont réagi, connaissant bien le milieu de la haute performance. Même si l’EPS, à un moment, a un peu donné le goût du sport, la formation qui a abouti à la formation de champions n’est pas faite à l’intérieur de l’école, c’est une certitude.
R.G : Ce n’est pas le job du prof d’EPS de former des champions olympiques, c’est clair.
M.P : Ça pourrait l’être mais indirectement. C’est ce que j’ai dit tout à l’heure, être capable de donner le goût de la motricité, de construire une motricité de base qui soit une motricité qui puisse s’adapter en fonction des choix des élèves. Concernant la haute performance, moi j’en ai fait, j’ai 70 ans et je ne me sens pas complètement cassé, bousillé etc. J’ai tellement envie de te dire plein de choses…bon, en gros l’EPS actuelle ne me semble pas être un élément qui participe à la formation de champion. Voilà, ça c’est clair. Alors qu’elle pourrait être un rouage qui permette aux gens soit de choisir de ne pas en être, soit de choisir d’en être. Si déjà on donnait le goût de la pratique physique. Après les gens pourraient faire, en tant que citoyens, un choix dans un monde qui serait différent mais complémentaire.
Sport / EPS: vers une complémentarité?

C’est-à-dire accepter que le monde de l’EPS et le monde du sport ne soient pas deux entités complètement isolées qui s’ignorent et qui se méprisent. Maintenant il y a bien un problème de mépris, la réaction des athlètes que je côtoie encore régulièrement disent : « Vous ne faites rien en EPS… ». Mais ça, c’est leur vision et les profs d’EPS disent « Nous on ne veut surtout pas former des sportifs ». Encore une fois je caricature, je ne vais pas faire autre chose que des caricatures mais on utilise tous les deux la motricité. Une motricité très élaborée, poussée à son extrême ou une motricité éducative mais la motricité c’est la base et donc on doit tous y participer. Je ne sais pas si je réponds bien à ta question mais les propos de Blanquer effectivement…
R.G : Je voulais juste avoir ton avis par rapport à ça.
M.P : Oui mais mon sentiment il est là. Il faut qu’on arrête de s’ignorer, se mépriser mais au contraire se compléter.
Comment changer cette vision prof d’EPS = prof de sport?

R.G : On continue l’interview Michel. J’aimerais aussi avoir ta vision personnelle sur cette question. Comment pourrait-on changer cette vision populaire qu’ont certains politiques, médias, certains chefs d’établissement, des collègues d’autres disciplines, des élèves aussi que l’EPS finalement c’est du sport et que le prof d’EPS c’est finalement un prof de sport ? D’après toi, quelles actions concrètes doivent se mettre en place pour changer cette image qui nous colle à la peau depuis des dizaines et des dizaines d’années quand même ?
M.P : Encore une fois je pense qu’il y a plein d’éléments. Alors je ne peux pas en quelques minutes te faire une réponse sur les moyens qu’il faudrait employer. Mais déjà je pense que si on n’avait pas le complexe justement d’être considérés comme des profs de sport, on pourrait beaucoup plus facilement utiliser des pratiques sportives. Mais pas des pratiques sportives qu’on viendrait copier-coller dans nos cours d’EPS. Au contraire, des pratiques sportives, parce qu’on les connaît très bien, qu’on pourrait transformer, adapter, modéliser.
C’est encore quelque chose qui m’a toujours un petit peu étonné dans la profession. L’EPS est une profession que j’adore. Moi je n’ai jamais voulu lâcher l’éducation physique alors qu’on peut gagner mieux sa vie dans le monde sportif. Mais ce que je veux dire c’est que les collègues n’arrêtent pas de dire « Surtout on n’est pas du sport » et ils n’arrêtent pas d’utiliser les différents sports sans transformation !
Transformer les pratiques sportives pour les adapter à la réalité scolaire et aux ressources des élèves
Des propositions ont été faites, et je ne suis pas le seul, de transformation des pratiques physiques de référence mais on fait encore dans la profession, plutôt des pratiques physiques de révérence.
Donc d’un côté, certains collègues critiquent et de l’autre côté ils utilisent in extenso les pratiques sportives. Donc là, je ne comprends pas. Il faudrait qu’ils aient vraiment une connaissance des bases de la motricité des différentes APSA pour ensuite pouvoir proposer des transformations en les adaptant au niveau des ressources des élèves. Là, on aurait une vision différente. Les enseignants d’éducation physique, grâce à ces transformations, permettent aux élèves de construire une motricité élaborée avec une amélioration des qualités physiques de base. Et de ce fait, l’amélioration dans les pratiques physiques de référence sera beaucoup plus facile après coup.
R.G : Donc si on résume : pour toi, l’idée serait vraiment de transformer les activités physiques, sportives, artistiques pour les adapter à la réalité scolaire et aux ressources des élèves.
M.P : Oui tout à fait. Ce serait relativement simple et ce serait notre spécificité que de les adapter pour qu’elles soient plus actives et plus adaptées à la motricité et aux ressources des élèves. Et ainsi, ne pas voir ces aberrations où on oblige les gamins à démarrer dans les starting blocks alors que ça fait régresser leurs performances.

En revanche, garder une certaine rigueur par rapport à ce mépris de la performance. Les gamins ont besoin de performance. Fais faire une séance de vitesse à des élèves sans jamais leur donner la performance qu’ils ont réalisée et tu vas voir leur réaction ! Les élèves ont besoin d’avoir des repères clairs et concrets. En revanche, ces repères peuvent être autre chose qu’un simple chrono mais un système d’évaluation qui soit quantitatif et qui dise voilà j’ai fait ça j’obtiens ça. Je fais ça, j’obtiens ça et ça c’est bien meilleur donc derrière les stratégies se mettent en place toutes seules, etc.
Quels programmes EPS pour faire évoluer la discipline?
R.G : OK très bien. Dernière question : d’après toi, quels devraient être la teneur et les contenus proposés dans les prochains programmes EPS pour continuer à faire évoluer, positivement bien entendu, la discipline ?
M.P : Déjà, je pense qu’il faudrait qu’on balaye un petit peu dans la pléthore des objectifs qu’on poursuit. Et qu’on ne cherche pas absolument à vouloir tout évaluer. Ce qui constitue une perte de temps incroyable. Parce que si on veut évaluer le progrès, la participation, la maîtrise, la perf etc. je ne vois pas comment un enseignant peut faire ça.
Des systèmes d’évaluation compréhensibles et directement utilisables par les élèves
Essayer de créer des outils pour évaluer la maîtrise. Et ces outils, il ne faut pas que ce soit uniquement le prof qui soit capable de les utiliser. Il faut que les systèmes d’évaluations soient compréhensibles et utilisables directement par les élèves. Il faut que la note que va donner l’enseignant d’éducation physique soit compréhensible et acceptée.

R.G : Tu dis compréhensible pour les élèves et aussi pour les parents tant qu’à faire.
M.P : Complètement. Cela éviterait peut-être pas mal d’entretiens avec des parents, « Mais vous pouvez m’expliquer la note de mon enfant ? » ou bien « Lui il saute plus haut mais il a une moins bonne note » etc. La logique des systèmes d’évaluation doit déjà être posée pour les parents d’élèves dès le début de l’année. Lors d’une réunion parents-profs par exemple. Et pour les élèves également, bien entendu, qui sont quand même les premiers intéressés. Ça c’est le premier élément.
Viser le développement de certaines qualités physiques en fonction de l’âge des élèves
Et puis, il faut des éléments qui soient concrètement évaluables donc des objectifs moteurs. Il faudrait aussi que les pratiques qui ont comme objectifs de viser le développement des qualités physiques (qui ne sont pas simplement portées d’ailleurs par le physique mais aussi par les qualités mentales, morales, sociales etc.) prennent le pas et soient directement posées dans les programmes. Les contenus en découleraient alors simplement.
En effet, il y a des périodes favorables au développement de telle ou telle qualité physique et des périodes qui sont plus favorables à telle ou telle autre. Et je voudrais que les programmes dans leur continuité tiennent compte de cela. Ça nous éviterait de faire faire du travail continu à des élèves en 6ème alors que ce n’est pas du tout leur truc ! Et de surcroit ce n’est pas du tout la meilleure façon de développer la qualité physique d’endurance. Le travail continu ? Non ça ne marche pas en 6ème!
Eventuellement, on peut le comprendre puisque les pratiques sociales, quand les élèves sortent de l’école c’est d’aller faire du footing mais c’est un truc de vieux ça ! Ce n’est pas un truc de môme. Le travail intermittent est dix fois plus intéressant à ce niveau-là. Je te donne ces exemples-là encore une fois, je ne les choisis pas en athlétisme, je les choisis en termes de qualités physiques. Bon alors peut-être que c’est ma déformation, ma double casquette de préparateur physique et d’enseignant d’EPS. Mais moi, il me semble que le corps de notre métier serait justement de jouer là-dessus. Et là, on aurait un réel impact sur la santé.
R.G : Et tu disais donc de cibler vraiment des choses plus précises. Se centrer sur quelques objectifs. Et pas pléthore d’objectifs comme actuellement avec les attendus de fin de cycle au collège ou les attendus de fin de lycée qui restent très généraux. Et on a du mal à s’y retrouver, ça ne donne pas vraiment de pistes concrètes aux collègues.
Cibler quelques objectifs précis

M.P : Mais ça c’est complètement théorique, je veux dire les attendus de fin de cycle. Je ne sais pas mais les élèves de 4ème, ce n’est pas à toi que je vais le dire, tu en as qui font 1m40 et tu en as qui font 1m90 ? Et les attendus de fin de cycle sont les mêmes ? Il y en a qui ont de la barbe, il y en a qui jouent encore à la poupée. Enfin, je veux dire ils ont les mêmes attendus de fin de cycle, ça veut dire quoi ? C’est nier la réalité.
Cependant, si on avait des objectifs en termes d’amélioration du développement de telle qualité physique qui peut être l’adresse, qui peut être la vitesse, qui peut être la force etc. on éviterait cela. Et alors là, on aurait des contenus qui seraient adaptés. Parce que là, on nous dit qu’il ne faut pas développer la force chez les élèves. Mais pourquoi ? Parce qu’ils ont des cartilages de conjugaison qui sont encore poreux et si on leur met des poids sur les épaules etc.
Ça veut dire que les gens pensent que pour développer la force il n’y a que les poids et les altères ? Tu fais faire de la vitesse à un élève de 6ème et tu regardes l’évolution de son niveau de force. Et là tu te dis tiens peut-être que ce contenu est plus adapté à ce niveau-là ! Et la qualité physique elle, elle évolue et elle évolue très sensiblement. Je suis un peu véhément mais ça m’a tellement « gonflé » ! Rires
R.G : Mais c’est le but d’avoir ta vision et de dire ce que tu penses, c’est l’objectif de cette interview.
M.P : Et d’un autre côté, tu vois, je me suis toujours élevé aussi contre la critique que faisaient les formateurs dans le milieu sportif sur les profs de gym qui ne font rien, qui ne connaissent pas les activités etc. Et c’est ça aussi l’enrichissement. L’enrichissement serait peut-être du côté des enseignants d’éducation physique, de mieux connaître les réalités d’une APS pour aller à l’essentiel et pas au détail quoi.
R.G : C’est clair. Très bien. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose pour conclure ?
M.P : Dire par exemple que je ne serais pas bouleversé si on admettait un rebond au volley-ball sur les élèves de 6ème. Sinon ça va se transformer en un service uniquement parce que le ballon n’est pas rattrapé !
Pour conclure, c’est un métier formidable et il faudrait simplement qu’on y croit davantage car lorsqu’on y croit, on trouve des solutions. Quand on veut, on cherche des moyens, quand on ne veut pas, on trouve des excuses.
R.G : Donc continuer à travailler sur la transformation des activités physiques pour les adapter vraiment au contexte scolaire, c’est ton message fort.
M.P : Oui voilà.
R.G : Très bien. Merci beaucoup Michel d’avoir partagé ta vision de l’EPS avec ta grande expérience et cette double casquette milieu fédéral et milieu de l’EPS. Je te souhaite une bonne continuation dans tous tes projets.

M.P : Bah écoute je vais faire du sport santé ! Rires
R.G : Bien, continue longtemps que ça te conserve encore au moins vingt ou trente ans !
M.P : Ça c’est gentil c’est beau d’être optimiste !
R.G : Il faut être optimiste ! 😉 Et merci à toutes et à tous de nous avoir suivis jusqu’au bout de cette interview. Je vous dis à bientôt pour le partage de nouvelles ressources et une nouvelle interview.
M.P : Allez au revoir et je te remercie Régis.
R.G : Merci à toi Michel et à bientôt!
On partage et on progresse ensemble 😉
Si tu as des questions, des remarques suite à cette interview, tu peux les laisser dans la partie commentaires sous la vidéo YouTube ou dans les commentaires ci-dessous 😉