You are currently viewing « La double boucle » pour donner du sens à notre enseignement en EPS

« La double boucle » pour donner du sens à notre enseignement en EPS

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Conseils
  • Commentaires de la publication :1 commentaire

On passe souvent du temps dans nos préparations de leçon à trouver des situations d’apprentissage pour faire progresser les élèves. Mais quand nous sommes sur « le terrain », on constate souvent que les situations d’apprentissage proposées ne prennent pas forcément de sens pour les élèves. Et ils nous demandent: « Mais est-ce qu’on va faire des matchs après ça? ». Cela nous frustre car nous avons passé du temps à concevoir ces situations d’apprentissage…

Très souvent, nous voulons également leur proposer tout ce qui a été préparé en amont de la leçon afin de les faire progresser. Mais les explications des situations prennent du temps. Ainsi que la gestion des regroupements. Puis la mise en route des élèves et leur compréhension des consignes données. On doit parfois arrêter la situation pour repréciser certaines consignes. Au final, on se rend compte que les élèves n’ont pas beaucoup répété dans chaque situation.

Alors que faire concrètement pour que les élèves répètent souvent, progressent tout en donnant du sens à ce qu’ils font? Pour qu’ils prennent du plaisir dès le début de la leçon sans nous demander sans cesse « Est-ce qu’on va faire des matchs aujourd’hui? ».

Nous proposons au sein du CEDREPS (Collectif d’Etude Disciplinaire pour le Renouvellement de l’EPS) un modèle appelé la « double boucle ». 

Les propositions qui vont suivre sont issues d’un article d’Alain COSTON et Jean-Luc UBALDI. « La leçon en EPS: un système complexe entre incertitudes et anticipations structurantes », Les dossiers Enseigner l’EPS n°1, janvier 2013.

Une leçon d’EPS: un emboîtement « high-tech » de situations

Dans une leçon, les passages d’une situation à une autre doivent être minutieusement anticipés afin de faire face aux aléas du « direct ». Trop souvent fidèle à un scénario prévu à l’avance, l’enseignant enchaîne les situations sans prendre garde au sens que l’élève donne à ces différents moments de travail. Ces derniers, souvent trop nombreux dans les séances d’EPS, « déroutent » l’apprentissage de l’élève qui est souvent en sous-activité.

Si le professeur débutant a besoin de « meubler » la leçon de situations, souvent 3 ou 4, pour gérer le temps, on retrouve aussi cette tendance chez certains professeurs chevronnés. La cause est double.

1) Les représentations des enseignants d’une leçon

Pour beaucoup d’enseignants, la leçon d’EPS ne peut pas être simplement un temps de jeu, de pratique. Il faut confronter les élèves à des situations d’apprentissage qui vont l’obliger, par leurs contraintes, à se transformer. Pour ces enseignants, les situations d’apprentissage sont des tâches « décontextualisées ».

Elles confrontent les élèves à un ou plusieurs problèmes techniques reconnus comme incontournables par le professeur. Mais, en fait, elles confinent les élèves à n’apprendre que des « habiletés motrices » et non pas des compétences.

tennis de table smash lycee

2) Les conceptions de l’apprentissage

La deuxième cause pouvant expliquer ce « saucissonnage » des leçons en situations multiples, relève de conceptions de l’apprentissage imprégnées de conceptions cognitivo-constructivistes et d’une forte croyance en la notion de transfert.

Ainsi, l’apprentissage se veut l’issue d’une activité au sein de multiples situations d’apprentissage (SA1, SA2, SA3…) dont la logique échappe très souvent à l’apprenant, et de ce fait empêche le transfert tant souhaité. Dans cette approche, l’élève apprend des fragments de motricité (des habiletés) dans des situations décontextualisées, qu’il devra plus tard réinvestir dans la situation dite de référence pour montrer sa compétence.

L’enseignement s’effectue selon le schéma suivant:

Ces types de pratique ne seraient pas si graves après tout si elles n’occasionnaient pas des difficultés dans la mise en œuvre des leçons. La première, renvoie à la gestion de chacune des situations. Le professeur est alors mobilisé par la mise en place des situations, la gestion des espaces, du temps, des regroupements, des explications de consignes souvent compliquées. La mise en œuvre des différentes tâches proposées aux élèves prend alors le pas sur sa fonction majeure d’aide aux apprentissages.

La deuxième est liée à la rupture de sens pour les élèves. Les articulations pensées par l’enseignant entre la séquence 1,2 et 3, ne sont pas explicites et sont laissées à l’initiative des élèves. Chacun doit construire « son fil rouge » mais beaucoup n’en auront jamais, ne pouvant ou ne voulant pas faire ce parcours. En effet, ce détour complexe n’a souvent de sens que dans la tête de l’enseignant qui l’a proposé.

Le modèle de la « double boucle »

Notre option consiste donc à placer au cœur de toute leçon d’EPS la forme de pratique choisie pour le module d’apprentissage, d’être vigilant aux indices qui permettront de faire varier les situations, elles-mêmes en nombre restreint.

C’est installer les élèves dans la permanence, la constance et la continuité de leur activité. C’est à cette condition que les transformations réelles auront lieu. Il faut leur donner du temps pour qu’ils puissent apprendre. Nous leur proposons donc un modèle appelé la « double boucle ».

La grande boucle

Dans la grande boucle, l’élève joue, interagit, se transforme dans la forme de pratique définie par l’enseignant. En effet, la Forme de Pratique Scolaire (FPS) a pour vocation de provoquer plusieurs fois la rencontre de l’élève avec l’objet d’étude choisi.

Si tu souhaites avoir des précisions sur l’objet d’étude à choisir, tu peux consulter cet article: La leçon d’EPS: que proposer à l’étude des élèves?

Dans cette activité ludique, riche et structurée, de nombreuses transformations s’opèrent, des compétences se construisent. Ici, l’enseignant guide en permanence l’élève dans la forme de pratique en faisant varier des éléments du contexte, en intervenant physiquement et verbalement dans la situation.

La petite boucle

Dans la petite boucle, les élèves sont amenés à s’engager dans une activité de plus en plus spécifique et de plus en plus répétitive. Quand les problèmes ne se résolvent plus par la seule activité dans la grande boucle, des situations d’apprentissage plus décontextualisées sont mises en place. Elles centrent les élèves sur des problèmes de plus en plus précis. A ce niveau, le recours à des exercices, des situations d’apprentissage peut être pertinent.

Il faut alors faire en sorte que « l’habileté » à construire prenne sens à son tour et devienne le nouveau moteur de leur engagement. Toute l’expertise de l’enseignant réside dans sa capacité à prendre des indices dans les réalisations des élèves lors de la grande boucle, de favoriser leur compréhension du détour et de les engager dans cette nouvelle activité qui quitte pour un temps plus ou moins long la FPS.

L’articulation grande boucle/petite boucle

L’articulation grande boucle/petite boucle au sein même d’une leçon permet d’inscrire en permanence l’élève dans une activité signifiante. Il s’agit de promouvoir un autre modèle d’articulation des situations en EPS.

Modèle 1: « Apprendre d’abord et jouer ensuite » / Modèle 2: « Apprendre en jouant »

Dans ce modèle « Apprendre en jouant », l’entrée par la Forme de Pratique Scolaire (sous forme de matchs par exemple dans le Champ d’Apprentissage 4), juste après l’échauffement, canalise la frustration des élèves. Ils ne demandent plus « Est-ce qu’on va faire des matchs aujourd’hui? » car la leçon démarre par des matchs! Ensuite la (ou les) situation d’apprentissage proposée prend du sens pour eux à partir des problèmes rencontrés, mis en avant dans la FPS. Enfin, avec un nombre restreint de situation d’apprentissage durant la leçon, l’élève joue longtemps dans la FPS et il se transforme, progresse.

Dans ce modèle « Apprendre en jouant », l’enseignant tient une place prépondérante. Il doit être d’une vigilance extrême au cheminement des élèves dans la leçon. La clé du sens pour eux réside alors dans la pertinence de ses interventions.

Elles sont multiples et visent le maintien de l’ordre, l’encouragement ou bien l’aide aux apprentissages. Cette action d’aide, de guidage amène l’enseignant à modifier le cours de la leçon: dois-je installer une nouvelle règle? Dois-je quitter la FPS pour permettre à l’élève de se centrer sur un détail technique? Dois-je lui demander de faire des essais en plus?

Ces décisions sont essentielles pour conserver l’engagement des élèves, les faire progresser et donner du sens à notre enseignement.

A toi de tester dans tes leçons d’EPS…

Et toi, quel modèle utilises-tu le plus souvent dans tes leçons d’EPS? « Apprend d’abord puis joue ensuite »? Et si tu essayais le modèle « apprendre en jouant ». Partage ta conception, tes expérimentations dans les commentaires ci-dessous.

On partage et on progresse ensemble! 😉

Et si tu souhaites tester un premier module d’apprentissage en tennis de table (au collège ou au lycée) basé sur ce modèle de la grande boucle/petite boucle, clique ici ou sur la photo ci-dessous

formation tennis de table

Voici également une autre thématique qui pourrait t’intéresser pour concevoir tes leçons d’EPS et donner du sens à ton enseignement pour faire progresser tes élèves 😉

EPS college lycee

Cette publication a un commentaire

  1. Huchet

    Bonjour,
    article intéressant mais quelle est la plus value par rapport au système de Develay (1996) qui nous propose une leçon en trois partie (Situation Contextualisé, Décontextualisé, Recontextualisé)?

Laisser un commentaire