Tu trouves que transformer tes élèves durant une leçon d’EPS n’est pas un objectif facile à atteindre. Qu’il y a de nombreux paramètres à prendre en compte lors de ta préparation de leçon et aussi sur le terrain face à tes classes, souvent très hétérogènes.
Ma nouvelle série d’interviews « Les 5 astuces pour transformer les élèves durant une leçon d’EPS » a pour objectif de t’apporter des outils concrets pour te sentir plus à l’aise face à tes classes.
Si tu souhaites bien comprendre le principe et la trame de chaque interview, cette vidéo de 2 minutes va tout t’expliquer 😉
Pour cette nouvelle interview, j’ai eu le grand plaisir d’échanger avec un professeur d’EPS expérimenté, un grand passionné de rugby: Serge COLLINET.
Sans plus attendre, je te laisse prendre connaissance des 5 astuces de Serge.
Si tu as des questions, des remarques suite à cette interview, tu peux les laisser dans la partie commentaires sous la vidéo YouTube ou dans les commentaires en bas de cet article 😉 Je t’invite également à apporter « ton pouce à l’édifice » en cliquant sur le pouce bleu sous la vidéo YouTube afin d’améliorer le référencement de cette interview.
3 possibilités s’offrent à toi pour suivre cette interview: la vidéo YouTube (lien en cliquant sur l’image ci-dessous), la bande son (en dessous du lien vidéo) ou l’article (en dessous de la bande son).
Tu souhaites écouter cette interview sous forme de podcast? Par exemple, dans les transports en commun ou pendant ton footing, pendant une balade dans la nature…Clique sur le bouton ci-dessous:
Un bel hommage de Wesley FOFANA, rugbyman professionnel, à son ancien professeur d’EPS, Serge COLLINET. Il a commencé le rugby grâce à Serge. Dans cette vidéo, à 4min 28, il parle de son ancien professeur d’EPS (clique sur l’image ci-dessous pour avoir accès à l’interview de Wesley):
Si tu souhaites commander le dernier ouvrage de Serge COLLINET, Rugby au cœur, tu peux passer directement par le lien suivant: https://amzn.to/3m4uujs Ceci est un lien Partenaire Amazon. « En tant que Partenaire Amazon, je réalise un bénéfice sur les achats remplissant les conditions requises ».
Les 5 astuces de Serge COLLINET pour transformer les élèves durant une leçon d’EPS
Régis GALEK : Bonjour à toutes et à tous. Dans le cadre de ma nouvelle série « Les 5 astuces pour transformer les élèves durant une leçon d’EPS », j’accueille aujourd’hui, avec grand plaisir, un professeur d’EPS expérimenté, passionné de rugby. Il a déjà écrit ou coécrit plusieurs ouvrages sur cette activité. Par exemple « Les fondamentaux du rugby », « Le rugby de l’école aux associations » ou plus récemment son nouvel ouvrage « Rugby au cœur – Les Braqueboys ». Il s’agit de Serge COLLINET.
Serge, un grand merci à toi pour avoir accepté cette interview et pour nous partager aujourd’hui tes 5 astuces.
Serge COLLINET : Bonjour à tous. C’est toujours agréable de partager nos expériences et de rentrer en contact, via le numérique, avec des collègues d’un peu partout. Je suis très content d’être avec vous.
PARCOURS PROFESSIONNEL de Serge
R.G : Est-ce que tu peux dans un premier temps te présenter brièvement et nous résumer ton parcours professionnel ?
S.C :J’ai passé le CAPEPS en 1988 à Vichy. J’ai passé ensuite l’Agrégation en 1989. J’ai ensuite fait mon service militaire au lycée militaire de Saint-Cyr. Et ensuite, j’ai été muté dans un petit collège très difficile du XIIIe arrondissement, coincé entre deux cités un peu tendues, et à côté de ça le parc Montsouris dans le XIVe où vivaient par exemple les enfants de Coluche que j’ai eus comme élèves. C’était une situation assez hétéroclite avec des gamins en très grandes difficultés tentés par beaucoup de déviances et des gamins très privilégiés du XIVe arrondissement où il n’y a rien à moins de 20000 euros le mètre carré !
R.G : Et tu as aussi joué à haut niveau au rugby ?
S.C : Il se trouve que j’ai été muté par hasard à 150 mètres du Stade Charléty. Je venais de Soissons, en Picardie. Et donc j’ai signé au PUC. Il se trouve que les hasards administratifs ont fait que je me suis retrouvé à 200 mètres du stade. Évidemment, c’était une autre époque, celle où les postes et les mutations étaient plus flexibles qu’aujourd’hui. Je sortais du collège et je pouvais aller m’entraîner au Stade Charléty avant de rentrer chez moi. J’habitais à l’époque à Paris dans le XVIIIe arrondissement près la Butte Montmartre.
R.G : Tu jouais à quel niveau en rugby ?
S.C : Je jouais au PUC qui oscillait entre le top niveau, en première division, le groupe A et le groupe B. D’ailleurs, dans cette équipe, il y avait beaucoup d’internationaux. Mais il faut dire qu’à l’époque il y avait 40 équipes en première division. Ce n’était pas aussi serré que le top 14 et un petit prof d’EPS motivé et sérieux pouvait s’imposer en ayant deux métiers en première division. Aujourd’hui, c’est très difficile voire impossible ! D’autant plus qu’à mon poste d’ailier et dans mon style finisseur, à l’époque, je faisais un peu moins de 10 secondes 6 aux 100 mètres, il y a désormais les Fidjiens qui font, en plus de faire 10 secondes 6 aux 100 mètres, 125 kg !! Ce qui, vous pouvez le constater, n’est pas mon cas ! (rires)
R.G : (rires) C’est sûr. Et donc, tu as découvert le rugby à l’école ?
S.C : J’ai eu la chance de découvrir le rugby grâce à mon instituteur à qui je rends hommage, Monsieur Claude HOURCADE, qui était muté de Bordeaux à Pontoise. Il faut dire que mon père était militaire et donc tous les 2-3 ans, je changeais d’établissement scolaire. Je suis arrivé dans cette petite école élémentaire de Pontoise où il y avait ce passionné de rugby et comme tous les gamins de 8 à 10 ans, il nous a emmenés au rugby et moi j’y suis resté avec intermittence car parfois j’arrivais dans des villes où il n’y avait pas de rugby. Je faisais du foot, de l’athlétisme, de la natation, de la boxe etc. Puis, je suis revenu au rugby en Terminale, enfin plutôt en Première en vérité parce que je jouais à très bon niveau au foot. J’étais en Cadets Nationaux et pour passer en Juniors Gambardella, il fallait s’entraîner tous les jours.
Or, ce n’était pas possible parce que je voulais avoir mon Bac (j’étais en filière S). J’ai toujours priorisé mes choix d’autant plus qu’au foot, plus le niveau montait plus je trouvais l’ambiance moins agréable alors que dans le rugby, je trouvais l’ambiance fraternelle et conviviale. En plus, je marquais des essais alors qu’au foot, je jouais arrière latéral et c’était beaucoup plus difficile de briller ! J’aimais bien marquer des essais c’est un truc un peu jouissif comme le buteur au foot connait ça. Mais moi, j’étais juste un peu un cisailleur dans mon couloir latéral droit. Voilà comment je suis revenu au rugby au lycée grâce aux copains. On y vient grâce aux copains et on y reste grâce aux copains.
LES 5 ASTUCES de Serge COLLINET pour transformer les élèves en EPS
R.G : Maintenant qu’on a fait un peu plus connaissance avec toi, est-ce que tu peux nous partager tes 5 astuces pour transformer les élèves ? Grâce à toute ton expérience, comme tu nous le disais précédemment, tu as rencontré des publics vraiment très hétérogènes dans des établissements parfois compliqués, quelles seraient alors tes 5 astuces ?
S.C : C’est plutôt des principes que des astuces. C’est du solide, parfois du béton armé !
R.G : (rires) On sent le rugbyman qui parle là !
S.C : Mes 5 astuces ne sont pas vraiment faites pour transformer les élèves dans une leçon d’EPS mais d’une manière plus générale, c’est pour lutter contre le décrochage et contre cette démotivation qu’on peut constater chez des gamins qui ont entre 12 et 15 ans. Et qui n’ont plus envie et dont les profs pensent qu’ils n’ont pas d’appétit pour le savoir scolaire et qui, en fait, finalement sont victimes d’un système. D’ailleurs, j’aime bien la citation de Pierre Arnaud qui dit : « L’échec scolaire, c’est l’échec du système éducatif qu’on essaie de maquiller en échec de l’enfant ». C’est un peu ça mon message, il tourne autour de cette idée.
Première astuce : Croire en les jeunes
S.C : La première astuce c’est d’abord de croire en les jeunes. Croire en eux parce que le système éducatif, depuis tout petit, renvoie une image aux enfants. Si les enfants ne sont pas bons dans les matières classiques ou s’ils ne sont pas typiquement scolaires alors ils sont bons à rien. Et les enfants finissent par le croire à force de se l’entendre dire avec gentillesse ou parfois avec un peu de dureté. Mon message consiste à leur dire qu’ils ont certainement des qualités, peut-être que l’on n’a pas décelées, peut-être que le système ne les a pas vues, peut-être que ce qu’on leur propose ne leur permettra pas de s’épanouir mais il faut qu’ils croient en eux. A partir du moment où l’on croit en eux, on croit qu’il y a toujours quelque chose dans un individu, une petite étincelle qui peut allumer un feu. A partir du moment où on croit ça, on réanime quelque chose.
R.G : Oui en effet, ce que tu dis rejoint les propos de Jean-Luc UBALDI que j’ai interviewé récemment. Il allait aussi vers cela, lui qui a travaillé dans une zone difficile pendant 25 ans à Villeurbanne. Il conseillait aussi de valoriser systématiquement les élèves, de les mettre en valeur durant la leçon d’EPS. Il allait même jusqu’à avoir l’objectif de donner « un mot gentil par élève et par séance ». Il essayait vraiment de se fixer cet objectif au quotidien.
S.C : Exactement, je trouve qu’il faut être exigeant et bienveillant. Je trouve que le système éducatif est exigeant et dur mais il n’est pas toujours très bienveillant avec les jeunes. On ne va pas faire de la sociologie de l’éducation, ce n’est pas le lieu mais croire en l’individu, croire en l’homme, savoir quelle petite étincelle allumer dans chacun d’eux et trouver cette étincelle pour que les gamins puissent croire en eux.
Deuxième astuce : Sortir du modèle unique classique de la réussite scolaire
S.C : Il faut vraiment sortir du modèle de la réussite classique traditionnelle et académique. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas bon en français ou en maths, qu’on ne vaut rien ! Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas savoir lire, écrire et compter, ça c’est sûr sinon on est quand même en grande difficulté. Ce que je dis, c’est qu’il y a des enfants qui ont de grandes difficultés à l’école par les apprentissages classiques traditionnels et là, il faut leur proposer autre chose comme voie de réussite à l’école. Autrement, cette voie de réussite unique devient une impasse pour beaucoup d’enfants.
Le modèle de la réussite à la française est très décevant. On peut être un très bon maçon, un très bon plombier etc. et je dis souvent à mes élèves « tu sais, moi j’ai l’Agrégation mais si tu es plombier, tu gagneras plus que moi parce que tu auras une expertise et tu seras très demandé ». On manque d’experts de nos jours. Un bon professionnel, un bon artisan, ça vaut de l’or comme toute personne qui fait très bien son métier d’ailleurs et qui est utile aux autres, sans faire de hiérarchie particulière entre les métiers.
En bref, il faut valoriser la voie professionnelle et arrêter de dire aux enfants qu’ils ne sont pas bons et de réfléchir à une orientation professionnelle. Réfléchir à une orientation professionnelle n’est pas un échec. Être un bon professionnel n’est pas un échec. Sortir du système en troisième pour rentrer dans une formation professionnelle ou un apprentissage, découvrir un métier n’est pas un échec. C’est une voie de réussite qui peut être excellente. On peut être très bien dans sa peau. Or, on forme aujourd’hui, je dirais 85 % de gens qui passent par le même moule et à qui, finalement, on n’a pas donné l’occasion de tester autre chose que cette voie qui est la même pour tous : la fac, la sup, la spé, médecine et autre. Les gens n’ont pas tous envie de cela.
Je me permets d’ailleurs de raconter l’anecdote de cet élève que j’avais, un rugbyman qui me disait « tu vois Serge, c’est dommage moi j’aurais tellement aimé être prof d’EPS mais bon je n’ai pas le niveau scolaire. Par contre, un truc qui m’intéresse énormément c’est la plomberie, la chauffagerie etc. ». Et il a pu suivre sa voie professionnelle, ses parents l’ont aidé et accompagné. Et aujourd’hui il a une très belle entreprise, je le vois passer parfois dans le XIIIe arrondissement avec sa camionnette qui s’appelle d’ailleurs « EPS » : Expertise Plombier Service. C’est aujourd’hui un gamin qui est épanoui, que j’ai d’ailleurs fait travailler. Il faut vraiment qu’on arrive à sortir de ce modèle unique.
R.G : Ce que je dis aux élèves, c’est d’aimer vraiment ce qu’ils vont faire. J’ai été pendant plusieurs années professeur principal en troisième et il y a des gamins qui ne savent pas trop quoi faire et à un moment donné, c’est vraiment avoir une vraie réflexion sur ce qu’ils aiment. Ce n’est pas toujours évident quand on est en 3ème mais l’idée est la suivante : quel métier faire pendant 40 ans (même si maintenant on peut changer de métier dans sa carrière) ? Mais au moins avoir une réflexion là-dessus : que faire pendant 10 ans et qui me plaît, que j’aime vraiment faire? Pendant 20 ans ou 30 ans ou même au-delà ?
S.C : Surtout ne pas oublier que le rêve des parents peut devenir le cauchemar des enfants. Parce que l’on n’est pas forcément fait pour faire le métier de nos parents ou pour réaliser leurs rêves. On n’est pas fait également pour vivre par procuration ce que nos parents n’ont pas réussi et ça il faut le dire aux enfants. Et il faut surtout le dire aux parents !
R.G : C’est clair. On peut passer à la troisième astuce ?
Troisième astuce : Lier des valeurs théoriques à la pratique
S.C : Le troisième point est de lier les valeurs qu’on veut transmettre aux jeunes avec des expériences émotionnellement fortes. On parle beaucoup de citoyenneté, d’éducation républicaine etc. mais je trouve que c’est fait de manière un peu froide. C’est-à-dire que l’on peut très bien réciter le catalogue des bonnes actions et des choses à faire quand on est un citoyen autonome, lucide etc. On peut décliner les valeurs qu’on doit acquérir : solidarité et responsabilité, respect, tolérance etc. mais si ça reste théorique, si ça reste froid, cela ne sert à rien. On peut très bien avoir un 20 sur 20 au contrôle d’Instruction Civique sur ce qu’est un bon citoyen et en vérité, dans la vie, ne pas être quelqu’un de bien. C’est pour cette raison que si l’on veut marquer les jeunes et si l’on veut que ça soit une véritable formation, il faut réchauffer tout ça.
Et pour moi, ces valeurs doivent être transmises à travers des expériences qui mobilisent des émotions. Personnellement, j’ai su le faire en rugby qui s’y prête très bien avec des filles, des garçons, des gens de tous les milieux. J’ai su le faire en rugby mais on peut très bien le faire avec un groupe d’arts ou avec un jazz band, une bande de hip hop etc…Il faut juste être compétent dans la chose et être passionné par ces valeurs. Mais être en équipe, c’est être solidaire malgré la difficulté. Car c’est facile d’être solidaire et respectueux, d’aimer les autres quand tout va bien. C’est quand c’est dur et quand on perd qu’il faut rester solide et rattraper le copain par le bras en l’encourageant. Moi je pense que ce qui manque dans notre système éducatif c’est un peu tous ces moments où les valeurs citoyennes, dont on nous rabat les oreilles, vont pouvoir être vécues à travers des choses fortes et des expériences qui émotionnellement vont marquer les jeunes.
Quatrième astuce : Ouvrir le système éducatif à des expériences inédites
S.C : Ce qui mène donc au quatrième point. Il faut ouvrir le système éducatif, les collèges, les lycées, les écoles à des expériences totalement différentes. Il faut décloisonner, il faut ouvrir. Il faut sortir et laisser entrer des gens qui ont des expériences : travailler avec un chorégraphe, travailler avec un metteur en scène, travailler avec un coach. Travailler avec plein de gens, pour que nos jeunes en fonction de leur diversité, leur héritage culturel, leur parcours puissent trouver un endroit où ils puissent vivre quelque chose de fort.
J’ai déjà évoqué Pierre Arnaud, que j’adorais quand j’étais étudiant, qui évoquait la capacité de l’école à neutraliser, aseptiser et rendre médiocre tout ce qu’elle touche. C’est simple, tout ce qui est un peu fort, qui mériterait du cœur, de l’émotion et bien, « ça passe au frigo » dans le sens où c’est froid, ça a été aseptisé, standardisé, neutralisé, rendu médiocre au sens de la moyenne. On fait un truc pour des gens moyens mais ce qui nous intéresse c’est toute la diversité des gens. Ceux qui sont à un haut niveau d’intelligence émotionnelle et qu’on veut amener à un autre registre. Ceux qui sont à un certain niveau et qu’on veut amener à un haut niveau de l’intelligence conceptuelle.
Donc, il faut vraiment que l’école s’ouvre et que l’on puisse vivre des choses très axées sur l’émotion, des choses où l’on se stresse, où l’on est face à un public, face au regard de l’autre. Ou bien avec des gens que peut-être on n’aime pas au départ, qui ne sont pas comme nous, « black blanc beur », de toutes origines. Et c’est ça tu vois qui m’intéresse vraiment. Et c’est comme ça qu’on peut vraiment travailler sur la transmission des valeurs.
R.G : Vivre de vraies expériences, ça peut se faire dans le cadre de l’Association Sportive de l’établissement. Mais si les élèves ne sont pas très sportifs, ça peut être comme tu le disais dans une chorale, au théâtre ou autre…mais l’essentiel est vraiment de vivre des moments forts, des expériences variées.
S.C : Oui tout à fait, parce que tu sais très bien qu’il est facile d’être solidaire, d’aimer l’autre, d’être tolérant quand tout va bien. Mais quand tu construis quelque chose que ce soit une chorale, un groupe de musique, une équipe de rugby, une chorégraphie de hip hop ou même s’il s’agit de repeindre une magnifique fresque sur le mur du collège, c’est là qu’est la difficulté. C’est là où tu prends des risques, où tu montres ce que tu sais faire et là aussi où tu vas faire des erreurs.
R.G : C’est dans la difficulté qu’on voit si le groupe est solide.
S.C : Tout à fait et puis il y a des crises. Mais c’est justement en période de crise que l’on peut faire sortir des choses positives.
R.G : OK. Est-ce que tu peux passer à ton dernier pilier ?
Cinquième astuce : L’amour
S.C : Ah le dernier pilier ! C’est le plus important le dernier pilier. J’ai gardé le meilleur pour la fin. Pour moi, c’est le plus important. N’ayons pas peur de le dire : c’est l’amour. J’ai la chance de travailler depuis longtemps avec des étudiants en STAPS (à Paris ou à Marne-la-Vallée et maintenant à Nanterre), à qui je dis que c’est l’amour, cette énergie fondamentale que l’on doit avoir des jeunes. Si on n’aime pas les gens, si on n’aime pas les autres, si on n’aime pas les enfants et si on n’aime pas les élèves, je le dis, il ne faut pas passer le CAPEPS ! Sinon vous allez, pendant 42 ans, être en souffrance et vous n’allez probablement pas apporter grand-chose aux autres. Il faut aimer les jeunes, il faut aimer le métier. Et l’amour, c’est l’énergie fondamentale qui fait qu’on peut transformer les gens et qu’on peut leur apporter quelque chose. Si c’est pour aller pointer pendant 42 annuités et demie en respectant les programmes, en étant bien dans les clous etc. mais sans apporter un moment donné ce dont les gens ont besoin à savoir du regard, de la chaleur, du cœur, de l’amour…alors c’est un métier qui n’est pas du tout intéressant. Sans amour des élèves et du métier, on fait subir aux jeunes une transmission froide.
R.G : De toutes façons, il est difficile de faire passer un message sans amour. Et dans ce cas, il n’y a pas une véritable connexion entre un prof et ses élèves, ça c’est clair.
S.C : J’ai eu la chance personnellement d’entraîner des grosses équipes, des équipes où il y avait du talent. J’ai eu la chance de gagner des titres en universitaire, en fédéral, aussi en scolaire. Et je vous dis honnêtement s’il n’y a pas l’amour, on ne gagne pas. Avec les entraîneurs qui connaissent tout, qui cadrent tout, qui savent tout, s’ils n’ont pas l’amour du groupe et si le groupe ne les aime pas tu ne renverses jamais personne. Et les matchs les plus durs, dans lesquels il faut du cœur et bien tu passes à travers. Donc c’est vraiment un truc fondamental.
R.G : C’est clair ! Merci beaucoup pour ce partage de tes 5 astuces avec toute ton expérience de prof d’EPS et aussi d’entraîneur de rugby.
Un ouvrage inspirant : Rugby au cœur
R.G : Je le disais en introduction que tu as écrit ou coécrit plusieurs ouvrages sur le rugby, orientés plutôt sur la technique, la tactique, la didactique du rugby. Mais là, récemment, tu es parti sur une autre sphère. Tu as écrit un ouvrage « Rugby au cœur – Les Braqueboys » dans lequel tu reprends en quelque sorte les valeurs, les 5 astuces dont tu nous as parlé aujourd’hui. Déjà bravo pour l’aboutissement de ce projet puisque le livre fait quand même 380 pages, même si à l’origine tu me disais qu’il faisait plus de 800 pages ! Donc félicitations pour avoir accouché de ce beau projet. Je n’ai pas encore eu l’occasion de le lire pour le moment, il vient de sortir récemment. Je vais essayer de me le procurer rapidement. J’ai vu que les commentaires étaient très positifs déjà sur les réseaux sociaux donc vraiment félicitations à toi pour l’écriture de cet ouvrage.
Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce livre même si ce n’est pas forcément évident de résumer 380 pages en quelques phrases ?
S.C : Heureusement ce n’est pas un roman policier donc je ne trahirai rien et je ne dirai pas qui est le coupable ! (rires)
C’est vraiment une histoire autobiographique qui raconte la naissance d’une équipe de rugby dans un petit collège parisien à l’initiative d’un prof d’EPS qui sent qu’il y a un besoin d’éducation, un besoin de transmission de valeurs. Dans cet établissement, il y a des difficultés à vivre ensemble. En fait, c’est un bouquin qui est complètement ancré sur les problématiques actuelles, sur l’éducation républicaine, l’éducation à la citoyenneté et du vivre ensemble. Comme ça, ça peut paraître docte mais en vérité c’est très vivant. Il y a de l’humour, de l’émotion. D’ailleurs on peut le voir dans les critiques qui sont faites sur Babelio, c’est un ouvrage vivant !
Ce bouquin est fait pour un prof d’EPS ou quelqu’un qui est vraiment passionné par la transmission mais plus encore…parce qu’il y a aussi des astuces de management. Pour l’anecdote, il y a un chef d’entreprise qui s’est procuré 20 exemplaires de mon livre et qui m’a demandé de les dédicacer pour les cadres de son entreprise parce qu’il trouvait qu’il y avait des choses intéressantes à partager au niveau du management et du management de projet. Je ne vous révèlerai pas tous les petits secrets mais il y a quelques personnages connus et célèbres dans ce livre comme Wesley Fofana qui a commencé le rugby au collège.
R.G : C’est ce que j’allais dire, j’ai vu une courte vidéo de Wesley Fofana, joueur au Quinze de France qui faisait des commentaires positifs sur ton ouvrage. Et qui te remerciait aussi car il disait qu’il avait commencé le rugby grâce à toi. Tu l’as donc eu comme élève alors à l’association sportive ?
S.C : L’histoire Wesley Fofana est une très belle histoire. Parce que c’est un gamin qui jouait au foot, qui vivait dans une cité très difficile du XIIIe arrondissement. J’ai tout de suite décelé quelque chose chez lui, en le regardant dans la cour de l’école et dans le cours d’EPS. C’était une bombe, il savait tout faire. Il avait des mains magnifiques, de la dextérité, un très bon basketteur, un pied énorme, une intelligence motrice, pourtant pas excellent en classe mais un gamin sérieux et appliqué. Je l’ai fortement encouragé à faire du rugby malgré la forte réticence de ses parents.
Il y avait quand même 120 rugbymans dans l’établissement et il a failli arrêter plusieurs fois ! Heureusement pour la France qu’il s’est accroché car il a été un très beau joueur avec pratiquement 50 sélections et notamment dans celle où il marque l’essai de la décennie à Twickenham. C’est resté un mec super et pour l’anecdote, une fois j’étais en stage, ma fille m’appelle en me disant qu’il est arrivé des tonnes de cartons à la maison. L’expéditeur était Wesley Fofana. Il m’a envoyé des tas de maillots de l’équipe de France, des chaussettes de l’équipe de France, des équipements et un petit mot qui disait « Serge, tu sais, je n’ai pas le temps de passer au collège mais dis aux gamins que je pense bien fort à eux ». C’était à Noël. En bref, il est humainement fabuleux et ça fait plaisir à voir et de l’avoir amené dans ce sport, parfois difficile. Mais ça forme des bons mecs à la fin et des filles bien aussi, parce que j’ai eu de très belles équipes féminines également.
R.G : C’est une belle histoire en tout cas. Il a découvert le rugby à l’école et ensuite il a réalisé le parcours qu’on connaît, c’est vraiment super.
Un outil pédagogique pour les leçons d’EPS en rugby
R.G : Alors au-delà de cet ouvrage dont on vient de parler, est-ce que tu as un outil pédagogique à partager avec des personnes qui nous regardent pour les aider dans leur quotidien ?
S.C : On va rester dans le rugby, je suis un peu mono référencé (rires). Je construisais mes planifications par rapport au rugby, donc je proposais de la boxe, de l’athlétisme, on commençait par des gros cycles d’endurance. C’est la méthode traditionnelle et ça permettait d’améliorer mes joueurs !
Donc ce que je propose est quelque chose de très simple. Il s’agit d’une fiche qui résume très succinctement 7 heures effectives de pratique en rugby. Donc quelque chose de très ciblé, à la fois modeste et exigeant mais c’est souvent ce qui pose problème à nos collègues. Il s’agit donc d’une grille d’évaluation qui peut être utilisée par le prof ou en co-évaluation avec quelque chose de très simple. 2 items qui sont évidemment liés à la première partie sinon c’est incohérent.
Par exemple dans le thème « faire avancer la balle vers l’en-but adverse », au contact le joueur protège son ballon avec son corps. C’est un des fondamentaux à apprendre. Il faut, comme dans tous les sports collectifs, apprendre à mettre son corps entre le défenseur et le ballon. J’ai fait quelque chose de très simple que le gamin peut remplir dans les colonnes « jamais / parfois / toujours ». Le prof c’est quand même l’expert, il a fait 5 ans d’études, on le rappellera aux gens qui nous payent en dessous de la moyenne de l’OCDE (rires).
R.G : D’accord super, on va découvrir ce document en détail sur le blog.
Pour télécharger le document de Serge, clique sur le lien ci-dessous:
Remarque de Serge sur la fiche d’évaluation: c’est à l’enseignant de choisir la valeur, en points, de ce que valent les différentes rubriques en fonction de ses priorités. C’est pourquoi je n’ai pas mis de valeur « absolue » ou « à priori ».
2 cadeaux offerts par Serge COLLINET
R.G: Pour finir, je sais que tu as réservé 2 cadeaux à partager avec les collègues qui nous ont suivis jusqu’au bout de cette interview. Pourrais-tu nous indiquer lesquels ?
S.C : Alors le cadeau ça pourrait être un élastique comme à l’époque ! On avait un élastique quand on démarrait ou bien un décamètre! (Rires)
Trêve de plaisanterie, alors cette fois ce sont 2 petites vidéos sympas, je n’en dis pas plus. Ils auront la surprise. Je me livre à cet exercice difficile pour un prof d’EPS de lecture à haute voix et donc il y a deux vidéos…
R.G : OK super. On va s’arrêter là même si on pourrait encore discuter longtemps. Tu nous as partagé plein de choses déjà. Je voulais vraiment te remercier par rapport à tout ce partage de contenus et te souhaiter une bonne continuation dans tous tes projets professionnels et personnels à venir.
S.C : Avec plaisir, merci beaucoup. J’ai été très content d’intervenir par ton intermédiaire et de rentrer en contact avec plein de collègues EPS que je verrai sans doute jamais. C’est ce qui manque dans le domaine. On fréquente beaucoup de collègues mais on n’a pas le temps de se voir assez. En tout cas, je vous souhaite une super bonne année à tous, une année scolaire qui va certainement être difficile avec les distanciations sociales, le covid etc. Je vous souhaite bon courage et prenez soin de vous !
R.G : On va s’adapter ! Les professeurs d’EPS sont bons pour ça, ils savent en général s’adapter à presque toutes les situations.
Merci à toi Serge.
Avec ma communauté EPSRégal, on va se retrouver bientôt pour une nouvelle interview avec un nouvel invité surprise. Je n’en dis pas plus pour le moment!
N’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne YouTube EPSRégal et à partager cet article avec Serge Collinet s’il vous a plu.
Je vous souhaite une bonne journée ou une bonne soirée et à bientôt !
Pour découvrir les 2 cadeaux surprises de Serge, clique sur les 2 boutons ci-dessous 😉
Merci à toi, cher(e) collègue ou futur collègue d’avoir suivi cette interview jusqu’au bout! Tu peux bien entendu la partager si tu penses qu’elle peut intéresser et aider des personnes autour de toi 😉
Et si tu as des questions ou des commentaires, je t’invite à les laisser ci-dessous…
On partage et on progresse ensemble…
Il est utile à tous de lire ou relire l’article d’Alain DENIS in Revue EPS N•238 qui a pour titre :
@ Certitude professionnelle et doute humain, ou
Grand éloge du bonheur en EPS ».
Bien à vous.